Les interrogations soulevées par les événements dramatiques du 9 avril 2011 sont restées sans réponses. Nous nous essayons dans les articles qui suivent à apporter quelques réponses et quelques pistes de réflexions pour élucider certaines d’entre elles.
Comment le ministre de l’intérieur était-t-il arrivé à la décision de fermer l’avenue Habib Bourguiba aux manifestants et aux rassemblements?
D’abord, cette décision ne nous est pas parue celle de tout le gouvernement de la troïka. Elle semblait prise en cercle restreint dans le parti du ministre de l’intérieur et avait la bénédiction de ses instances dirigeantes. Elle visait à reprendre l’initiative de l’action de terrain.
La propagande de ce parti étant fondée sur la promotion du passé militant de ses membres de sa légitimité populaire et de son enracinement dans la société. Ennahdha voulait toujours pérenniser ces images dans l’imaginaire populaire et avait peur de perdre l’initiative sur le terrain. Elle s’opposait à tout ce qui réduirait son champ d’action et sa capacité à influencer la société. Ce parti ne voulait pas admettre que sa capacité de mobilisation n’était ni incontestable ni déterminante. Les forces démocratiques qu’il voulait faire passer pour une minorité insignifiante ont montré une capacité de mobilisation au moins aussi importante que la sienne. Les sit-in de Bardo, la manifestation du 14 janvier et surtout la grande manifestation du 20mars, qui a rassemblé plus de 30 milles personnes, ont laissé un gout amer dans la gorge de ce parti.
Ce parti a montré une très grande fébrilité vis-à-vis de la pression de la rue et à plusieurs reprises il a été obligé de remanié ses tentatives de passage en force. De plus, la médiatisation des manifestations organisées par les partis d’opposition, par la société civile l’a empêché de faire passer ses choix politiques et a été une source de pression dans ses négociations avec ses protecteurs.
L’analyse de la situation lui a permis d’arriver à la conclusion qu’il ne fallait plus laisser de telle manifestation se reproduire et qu’il fallait limiter leur impacte médiatique et surtout œuvrer pour les marginaliser.
Le gouvernement qui confondait son rôle de gestionnaire des instances de l’état et d’appendice du parti au pouvoir a laissé cette conclusion prendre forme. Le ministre de l’intérieur s’est porté volontaire pour son application.
Ainsi, à l’échelle stratégique, la décision d’interdire les manifestations sur l’avenue historique de Tunis a été prise juste après le 20 mars par les dirigeants du parti aux. Toutefois, sur le plan purement tactique cette interdiction devait être motivée autrement et reposer sur des arguments indiscutables. Pour être appliquée rigoureusement, la décision devait surgir d’une analyse autonome de la situation par les instances du ministère de l’intérieur.
Le ministère en tant qu’administration qui se respecte a analysé la situation et est arrivé à la conclusion que la répétition des manifestations sur cette avenue était nuisible à la vie économique du pays, à la sécurité des passants, des commerçants et des biens. La « ghazoua de l’horloge » qui a vu la confrontation entre les salafites et les artistes était l’argument présenté. La restauration de l’autorité du gouvernement passait par une décision courageuse et symbolique comme l’interdiction des manifestations dans l’avenue Habib Bourguiba.
Nous pouvons voir comment la décision tactique du ministère de l’intérieure avait rejoint la décision stratégique d’Ennahdha ce qui a réjoui ce parti qui s’est mi en second plan et lui a permis d’arrivé à sa fin sans se découvrir.
La décision d’interdire les manifestations sur l’avenue H Bourguiba était une décision politique qui œuvrait à assoir l’autorité du gouvernement et du parti Ennahdha sur le pays. Elle était hâtive et infondée et elle a débouché sur une bavure policière injustifiable. La confusion entre état et parti reste de mise même après la révolution chose qu’on croyait révolu. La tentation hégémonique d’Ennahdha, nous rappelle que ce parti ne s’est pas totalement débarrassé de ses démons ancestraux.
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