dimanche 29 avril 2012

Les dessous d’une décision hâtive


Les interrogations soulevées par les événements dramatiques  du 9 avril 2011 sont restées sans réponses. Nous nous essayons dans les articles qui suivent à apporter quelques réponses et quelques pistes de réflexions pour élucider certaines d’entre elles.

Comment le ministre de l’intérieur était-t-il arrivé à la décision de fermer l’avenue Habib Bourguiba aux manifestants et aux rassemblements?

D’abord, cette décision ne nous est pas parue celle de tout le gouvernement de la troïka. Elle  semblait prise en cercle restreint dans le parti  du ministre de l’intérieur et avait la bénédiction de ses instances dirigeantes. Elle visait à reprendre l’initiative de l’action de terrain.

La propagande de ce parti  étant  fondée  sur la promotion du passé  militant de ses membres de sa légitimité populaire et de son enracinement dans la société. Ennahdha voulait toujours pérenniser ces images dans l’imaginaire populaire et  avait peur de perdre l’initiative sur le terrain. Elle s’opposait à tout ce qui réduirait son champ d’action et sa capacité à influencer  la société. Ce parti ne voulait pas admettre que sa capacité de mobilisation n’était ni incontestable ni déterminante. Les forces démocratiques qu’il voulait  faire passer  pour une minorité insignifiante ont montré une capacité de mobilisation au moins aussi importante que la sienne. Les  sit-in de Bardo, la manifestation du 14 janvier et surtout la grande manifestation du 20mars, qui a rassemblé plus de 30 milles personnes, ont laissé un gout amer dans la gorge de ce parti.

Ce parti a montré une très  grande fébrilité vis-à-vis de la pression de la rue et à  plusieurs reprises il a été obligé de remanié ses tentatives de passage en force. De plus, la médiatisation des manifestations organisées par les partis d’opposition, par la société civile l’a empêché de faire passer ses choix  politiques et  a été une source de pression dans ses négociations avec ses protecteurs.
 L’analyse de la situation lui a permis d’arriver à la conclusion qu’il ne fallait plus laisser de telle manifestation se reproduire et  qu’il fallait limiter leur impacte médiatique et surtout  œuvrer pour les  marginaliser.

Le gouvernement qui confondait  son rôle de gestionnaire des instances de l’état et d’appendice  du parti  au pouvoir a laissé cette conclusion prendre forme. Le ministre de l’intérieur s’est porté volontaire pour son application.

Ainsi, à l’échelle stratégique, la décision d’interdire les manifestations sur l’avenue historique de Tunis  a été prise juste après le 20 mars par les dirigeants du parti aux. Toutefois, sur le plan purement tactique cette interdiction devait être motivée autrement et reposer sur des arguments  indiscutables. Pour  être appliquée  rigoureusement, la décision devait surgir d’une analyse autonome  de la situation par les instances du ministère de l’intérieur.

Le ministère en tant qu’administration qui se respecte a analysé la situation et est arrivé à la conclusion  que la répétition des manifestations sur cette avenue était nuisible à la vie économique du pays, à la sécurité des passants, des commerçants et  des biens. La « ghazoua de l’horloge » qui a vu la confrontation entre les salafites et les artistes était l’argument présenté. La restauration de l’autorité du gouvernement passait par une décision courageuse et symbolique comme l’interdiction des manifestations dans l’avenue Habib Bourguiba.

Nous pouvons voir comment  la décision tactique du ministère de l’intérieure avait rejoint  la décision stratégique d’Ennahdha ce qui a réjoui ce parti qui s’est mi en second plan et lui a permis d’arrivé à sa fin sans se découvrir.

La décision d’interdire les manifestations sur l’avenue H Bourguiba était une décision politique qui œuvrait à assoir l’autorité du gouvernement et du parti Ennahdha sur le pays. Elle était hâtive et infondée et elle a débouché sur une bavure policière injustifiable. La confusion entre état et parti reste de mise même après la révolution chose qu’on croyait révolu. La tentation hégémonique d’Ennahdha, nous rappelle que ce parti ne s’est pas totalement débarrassé de ses démons ancestraux.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire